Le Parlement s'est prononcé pour une réforme de l'AI axée sur l'avenir. Dans le cadre du développement continu de l'AI, il a créé des conditions permettant d'améliorer l'intégration dans le marché du travail. «Il faut espérer qu'il s'agit là d'un revirement de tendance et que le système de l'AI sera globalement amélioré», dit Verena Kuonen, présidente d'Inclusion Handicap, l’association faîtière des organisations de personnes en situation de handicap dont Procap Suisse est membre. Aujourd'hui, le Conseil na-tional a éliminé la dernière divergence dans le cadre du développement continu de l'AI. Le vote final n'a pas encore eu lieu.
«D'une part, on peut se féliciter que le Parlement ait pu se résoudre à finaliser une réforme qui privilégie des solutions constructives et pas seulement des mesures d'économie», précise Verena Kuonen. «Mais d'autre part, il s'agit à présent d'éliminer des chantiers qui subsistent dans le système de l'AI, notamment concernant les expertises.»
Si le Parlement s'est prononcé contre certaines mesures d'économie drastiques, c'est aussi grâce à l'importante implication des organisations de personnes avec handicap. Procap Suisse et Inclusion Handicap notent avec soulagement que des exigences telles que la réduc-tion de la rente pour enfant ainsi que des frais de voyage pour les parents, ou encore le ver-sement d'une rente AI entière seulement à partir de 80% d'invalidité, n'aient pas réuni de ma-jorité. Des mesures d'économie n'ont de toute façon pas lieu d'être: l'assainissement financier de l'AI est en bonne voie suite aux réformes précédentes. Ces dernières ont amené une pra-tique plus restrictive et des mesures de réduction des coûts sur le dos des personnes en situa-tion de handicap qui, déjà aujourd'hui, doivent très fortement se serrer la ceinture.
La promotion de l'intégration professionnelle est la meilleure mesure d'économie
«L'intégration professionnelle des personnes en situation de handicap est une mesure d'éco-nomie à long terme», dit Verena Kuonen. «Et c'est à ce niveau que la réforme intervient à juste titre; en plus, avec pour effet secondaire une diminution des dépenses de l'AI à moyen terme.» Diverses décisions comme le développement des offres de conseil, l'élargissement des mesures d'intégration ou de détection précoce doivent aider les personnes à se maintenir ou à s'établir sur le marché du travail. «Il s'agit là de mesures axées sur l'avenir», constate Verena Kuonen. «Les personnes en situation de handicap veulent et peuvent travailler. Il est cependant tout aussi important d'examiner les outils quant à leur efficacité.» Pour Procap Suisse et Inclusion Handicap, il est évident que les nouveautés décidées ne constituent qu'une première étape vers l'intégration des personnes handicapées dans le marché du tra-vail. Rien n'est en effet possible sans l'engagement renforcé des employeurs.
Même si l'orientation donnée au développement continu de l'AI est juste, cette réforme en-traîne néanmoins des conséquences dramatiques pour une partie des personnes en situation de handicap. Le système de rentes linéaire dans sa forme actuelle conduit à une réduction sensible des rentes pour les assurés ayant un taux d'invalidité entre 61 et 69%. Il est incom-préhensible que de telles réductions soient imposées précisément aux personnes dont les perspectives sur le marché du travail sont déjà très défavorables.
Des chantiers subsistent
La garantie de la qualité dans le domaine des expertises médicales reste un chantier de taille. Bien que certaines mesures judicieuses et importantes aient été prises, celles-ci ne sauraient guère suffire. Bon nombre d'expertes et experts rédigent régulièrement des rapports tendan-cieux et se voient conférer, en récompense, d'autres mandats lucratifs par les offices AI. Cette pratique ne sera pas fondamentalement modifiée par les décisions prises dans le cadre du développement continu de l'AI. Ce constat a été reconnu également par le conseiller fédé-ral Alain Berset qui a ordonné une enquête externe chargée de faire la lumière dans le do-maine des expertises. Pour prêter main forte aux investigations, Procap Suisse et Inclusion Handicap suivront de près les développements concernant les expertises de l'AI.
Problématique des définitions: une solution globale est nécessaire
Les délibérations détaillées se sont achevées hier par l'élimination de la dernière divergence: le Conseil national renonce pour l'instant à renommer la «rente pour enfant» en «complément de rente pour les parents». Procap Suisse et Inclusion Handicap soutiennent cette décision. La commission du Conseil des États avait déjà déposé un postulat demandant que l'ensemble de la terminologie relative aux assurances sociales soit vérifiée. C'est une bonne décision et il est nécessaire d'agir, vu que certains termes ont un caractère dévalorisant: on peut s'attendre à ce que le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU, qui publiera à la fin de l'été prochain ses recommandations concernant l'application de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, épingle la Suisse à ce sujet.
«Nous garderons également à l'œil les développements concernant la terminologie», signale Verena Kuonen. «Les décisions prises dans le cadre du développement continu de l'AI per-mettent certes d'espérer qu'un revirement de tendance se soit opéré et que les économies ne se feront pas exclusivement aux frais des assuré·e·s; mais en même temps, il est évident que beaucoup reste à faire: la pleine participation à la vie en société nécessite impérative-ment des prestations de l'AI équitables.»
Source : Communiqué de presse d'Inclusion Handicap du 4 mars 2020 Ouverture du lien dans une nouvelle fenêtre.