Barèmes de salaires

Par sa décision du 18.10.2023, le Conseil fédéral a fixé une déduction forfaitaire de 10% sur les barèmes de salaires à partir de début 2024. Ainsi, il ne met pas en œuvre correctement la motion 22.3377 Ouverture du lien dans une nouvelle fenêtre., qui bénéficie d'un très large soutien politique. Car celle-ci exige que pour l'adaptation, le Conseil fédéral s'appuie sur une méthode statistique reconnue et sur les connaissances scientifiques actuelles. La déduction forfaitaire de 10 % est certes un pas dans la bonne direction, mais elle ne répond pas à l'exigence d'un calcul du taux d'invalidité correspondant à l'invalidité.

Pour décider si une personne bénéficiera d’une rente AI ou d’un reclassement professionnel, la perte de salaire due à sa situation de handicap est une donnée essentielle. On calcule à cet effet ce qu’on appelle le taux d’invalidité. Pour cela, on compare combien la personne gagnait avant l’invalidité et ce qu’elle pourrait encore gagner en situation d’invalidité. Si des problèmes de santé l’empêchent de poursuivre le travail exercé jusqu’alors, on évalue sa capacité de travail dans une activité adaptée. Si l’office AI conclut que la personne conserve une capacité de travail dans une activité auxiliaire, la comparaison des revenus est basée sur des salaires fictifs issus d’une tabelle de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de l’Office fédéral de la statistique. Toutefois, cette tabelle n’avait pas été créée dans ce but. C’est l’une des raisons pour lesquelles ces barèmes de salaires (ou salaires statistiques) sont trop élevés pour servir de références concernant les revenus des personnes avec handicap. Deux études scientifiques parviennent à cette conclusion (voir Rechtsgutachten Dr. iur. Egli et al. Ouverture du lien dans une nouvelle fenêtre.et Gutachten Büro Bass Ouverture du lien dans une nouvelle fenêtre.ou une version courte de l'étude BASS Ouverture du lien dans une nouvelle fenêtre. — en allemand). Les barèmes de salaires sont composés des salaires médians de divers secteurs d’activité, y compris certains secteurs très exigeants physiquement et affichant pour cette raison des rémunérations plus élevées, comme par exemple la construction. Or, les personnes ayant des problèmes de santé ne peuvent en général pas exercer de telles activités.

De plus, les barèmes de salaires comportent des problèmes évidents, comme le montre une question de la conseillère nationale Manuela Weichelt (Les Vert·e·s/ZG) (21.8091 Ouverture du lien dans une nouvelle fenêtre.). Au moins, certains salaires absurdement élevés au niveau de compétence le plus bas – par exemple 13 739 francs par mois - ont été corrigés dans l'ESS 2020. Mais d'autres problèmes subsistent, comme la forte proportion de formations achevées au niveau de compétence le plus bas, qui fait grimper le salaire médian. Le conseiller national Rémy Wyssmann (UDC/SO) l'a souligné en hiver 2023 (23.7801 Ouverture du lien dans une nouvelle fenêtre. et 23.7940 Ouverture du lien dans une nouvelle fenêtre.).


Conséquences désastreuses pour les assuré·e·s

Les conséquences de cette méthode de calcul sont désastreuses : le taux d’invalidité est bien plus bas que s’il était calculé sur la base d’un salaire qu’une personne en situation de handicap peut effectivement obtenir. Si le taux d’invalidité est inférieur à 40%, l’assuré·e n’obtient aucune rente. Cela implique la plupart du temps un transfert vers l’aide sociale, alors que la compétence serait clairement celle de l’AI. S’y ajoute le fait que les personnes à faibles et moyens revenus, en raison de pertes salariales moindres, sont encore plus fortement désavantagées que les personnes qui gagnaient très bien leur vie dans leur ancienne activité. De plus, si le taux d’invalidité tombe sous 20%, l’AI refuse même de soutenir un reclassement la plupart du temps.


Situation politique actuelle

Au printemps 2022, la commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-CN) a déposé la motion « Utiliser des barèmes de salaires correspondant à l’invalidité dans le calcul du taux d’invalidité » Ouverture du lien dans une nouvelle fenêtre..

Celle-ci demande au Conseil fédéral d’établir une base de calcul qui tienne compte des possibilités de revenus réelles des personnes atteintes dans leur santé lors de la détermination du revenu avec invalidité. Cette motion a été adoptée très clairement par le Conseil des Etats lors de la session d'automne 2022, puis à l'unanimité par le Conseil national lors de la session d'hiver 2022. Le Conseil fédéral devait la mettre en œuvre avant la fin décembre 2023. Début avril 2023, il a mis en consultation une proposition que Procap a fortement critiquée dans sa prise de position Ouverture du lien dans une nouvelle fenêtre. (en allemand). Le Conseil fédéral a proposé une déduction forfaitaire de 10% sur les salaires statistiques, en se basant sur l'étude du bureau BASS citée ci-dessus. Toutefois, une lecture attentive de cette étude montre que pour une mise en œuvre scientifiquement fondée, une déduction de 17% serait adéquate, ainsi que des déductions individuelles supplémentaires en fonction des circonstances des différents cas. Ce n'est qu'ainsi qu'en résulteraient des possibilités de revenus réalistes. Malgré de nombreuses critiques lors de la consultation, le Conseil fédéral a mis en œuvre cette proposition le 18.10.2023: depuis début 2024, une déduction forfaitaire de 10% est appliquée aux barèmes de salaires. Procap salue certes ce pas dans la bonne direction, mais critique le fait d'avoir manqué une nouvelle fois l'occasion d'atteindre un calcul correct du taux d'invalidité.


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